Comment protéger les enfants face à la publicité ?

La réglementation européenne

Au niveau du Conseil de l’Europe (Europe élargie : 47 Etats membres) c’est la Convention Européenne sur la Télévision Transfrontière qui régit pour l’essentiel les publicités susceptibles d’être vues par des enfants.

Au sein de l’Union Européenne (27 pays membres), la Directive sur les Services de Médias Audiovisuels (directive SMAV) adoptée en décembre 2007 a actualisé la Directive « Télévision Sans Frontières » de 1989. Cette Directive TSF avait déjà été renforcée en 1997 au niveau de la protection des mineurs, mais la SMAV réglemente particulièrement un certain nombre de pratiques, interdisant notamment le placement de produit dans les oeuvres cinématographiques, les fictions audiovisuelles et les vidéomusiques, si ces oeuvres sont destinées aux enfants.

Elle précise également l’encadrement des services « non linéaires » (l’utilisateur décide du moment où il prendra connaissance d’un programme ; exemple : la Vidéo à la Demande ou VOD), en demandant à ce que soit mis en place un système de filtrage devant assurer une « protection suffisante de l’épanouissement physique, mental et moral des mineurs ».

Chaque pays membre de l’Union Européenne était censé prendre en compte cette Directive dans sa propre réglementation avant décembre 2009. C’est le cas en France depuis février 2010.

Il est à noter que les pratiques d’autorégulation sont fortement encouragées par toutes les instances juridiques de l’Europe, qu’elle soit restreinte ou élargie. Elles peuvent prendre la forme de codes de conduites ou de simples recommandations.

D’autres initiatives ont donc vu le jour : une Charte européenne sur la lutte contre l’obésité a été adoptée en novembre 2006 par l’Europe, sous l’impulsion de l’OMS et avec la collaboration des ministres de la Santé des pays membres. Cette Charte n’est pas « contraignante », mais consécutivement l’adoption d’une réglementation spécifique est à l’étude dans plusieurs pays européens. De nombreuses associations de défense des droits des enfants ont tiré la sonnette d’alarme : l’épidémie d’obésité est directement corrélée au fait que les enfants sont la cible continuelle de publicités pour des produits gras ou sucrés. L’industrie agro-alimentaire fait évidemment son possible pour éviter une réglementation qui les priverait d’actions publicitaires envers de potentiels « gros consommateurs ».

La « recommandation du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur la protection des mineurs et de la dignité humaine et sur le droit de réponse en liaison avec la compétitivité de l’industrie européenne des services audiovisuels et d’information en ligne » prévoit « une série de mesures possibles pour promouvoir l’éducation aux médias, par exemple l’éducation permanente des enseignants et des formateurs, une formation axée sur l’Internet à l’intention des enfants dès le plus jeune âge, comprenant des sessions ouvertes aux parents, ou l’organisation de campagnes nationales à l’intention des citoyens, mobilisant tous les moyens de communication, afin d’informer sur une utilisation responsable de l’Internet ».

L’Observatoire Européen de l’Audiovisuel institué en décembre 1992 a pour objectif de collecter et de diffuser les informations relatives à l’audiovisuel en Europe. L’Observatoire est un organisme de service public européen, composé de 36 Etats membres et de la Communauté européenne, représentée par la Commission européenne. Il exerce son activité dans le cadre juridique du Conseil de l’Europe et s’est penché sur les problématiques liées à l’enfance.

A l’échelle mondiale, la Chambre de Commerce Internationale : a établi un Code des pratiques loyales en matière de publicité dont certains articles concernent directement celles qui s’adressent aux enfants.

L’ARPP a mis en ligne en 2004 un document destiné à expliciter ces règles déontologiques : http://www.arpp-pub.org/IMG/pdf/Reco_Enfant.pdf

Il s’agit notamment de permettre l’identification rapide d’un message publicitaire comme tel, de ne pas légitimer des comportements qui seraient contraires aux principes de citoyenneté, d’hygiène, de protection de l’environnement ou de respect des autres, de ne pas induire les enfants en erreur en utilisant leur immaturité, ni susciter d’angoisse ou de malaise chez eux. On constate donc que des efforts sont faits pour réglementer l’usage de la publicité destinée aux enfants un peu partout en Europe et dans le monde. Fatalement, ces tentatives entrent directement en conflit avec les intérêts financiers de certains acteurs du marché pour lesquels une cible enfantine est un morceau de choix. La législation essaie donc de ménager la chèvre et le chou, et compte sur l’autorégulation pour éviter de trop gros dérapages. On peut cependant noter que lorsqu’il s’agit de trancher entre la protection des enfants (par exemple lorsque la Suède à l’occasion de sa présidence de l’UE en 2001 a demandé l’interdiction totale de la publicité orientée vers les moins de douze ans) et les intérêts financiers de certains grands groupes de l’audiovisuel, le choix est vite fait, et ce ne sont pas les enfants qui gagnent (Cf à ce sujet un article du Monde diplomatique particulièrement éloquent : http://www.monde-diplomatique.fr/2004/09/BRUNE/11449).

Internet et les enfants

Malgré toutes ces réglementations concernant la publicité et les enfants, il faut savoir qu’Internet est un média très intéressant pour les entreprises qui désirent cibler les enfants, et ce, pour plusieurs raisons. D’une part, il n’existe aucune réglementation sur la publicité destinée aux enfants sur Internet, et même si elle était instituée, il va sans dire qu’elle serait très difficile à faire respecter. Les enfants d’aujourd’hui grandissent dans un monde où Internet occupe une très grande place et ils peuvent très souvent naviguer seuls, sans aucune supervision parentale.

Mais Internet peut également être une ressource pour lutter contre les méfaits de la publicité sur les enfants. Des sites ont été créés afin de protéger les enfants face à la publicité :

  • Comment être Pub Malin : propose aux enfants de 8 à 11 ans, aux parents et aux enseignants un outil d’éducation aux médias centré sur la publicité. A l’initiative de l’Union des Annonceurs.
  • Réseau Éducation-Médias : ressources pour aider à développer l’esprit critique des jeunes à l’égard des médias.
  • Mouvement pour une Alternative Non Violente : une pétition à signer pour interdire la publicité à destination des moins de 12 ans.
  • Obesipub : contacter les parlementaires afin de contrôler la publicité alimentaire à destination des enfants. 

On n’oublie cependant pas que la publicité n’est pas que négative pour les enfants, puisqu’elle peut servir d’aide à leur prévention. Comme par exemple cette publicité, une initiative du secrétariat d’Etat à la Famille sortie il y a deux ans, qui montrait les dangers d’Internet pour les enfants :